Claudine et ses images

Claudine et ses images

1940-1942 enfance en guerre

Dans le 15ème arrondissement de Paris, il y avait (et il y a encore) un grand marché rue de la Convention ; nous y allions régulièrement le dimanche matin. Je me rappelle des queues durant les distributions de denrées auxquelles nos tickets donnaient droit  et maman savait très bien 'tomber dans les pommes" ; j'ignore comment elle se débrouillait mais brusquement elle s'en allait en arrière jusqu'au trottoir. Ce qui lui faisait gagner quelques places car "cette pauvre femme devait rentrer au plus tôt chez elle" !

 

Tandis que moi, la petite, assimilait avec facilité tout l'apprentissage scolaire, ma sœur, elle, avait d'énormes difficultés à retenir ses leçons. Elle avoue toujours ne pas savoir pourquoi, le mois où nos parents ont promis un vélo si ses notes étaient bonnes, elle a tout compris des explications et a su faire les devoirs ! Bref, elle a eu son premier vélo, un peu avant la guerre ! Mais ce que j'ai surtout retenu c'est son apprentissage du patinage à roulettes Porte de Versailles ! Papa revenait de l'usine Renault de Billancourt par le bus et nous allions parfois l'attendre là. J'ai une nette image de ma sœur accrochée aux grilles qui fermaient le parc des expositions  Ce sont des flashs que je reproduis ici car je ne peux les situer exactement dans le temps.

 

Maman avait acheté, je ne sais quand  et où, des plumes "sergent major", les meilleures, surement avant guerre  puisque ma sœur était écolière. Et je faisais des envieuses à l'école ! Alors j'en ai vendues à une copine et j'ai ramené l'argent à mes parents en prétendant l'avoir trouvé. Ce qui était impossible : il y avait trop de pièces de monnaie ! J'ai dû avouer la vérité et  on a refait l' échange inverse dans le bureau de la directrice, en présence des mamans ! Celle de la copine était déçue car c'était une denrée rare, que j'avais dû surement céder à bon prix ne sachant aucunement la valeur des choses !

 

Ma communion ! Papa, communiste, n'y tenait pas, mais  maman ne voulait pas contrarier la famille ! Papa a cédé et je suis donc allée aux préparatoires de communion ( je ne me rappelle plus du nom exact) avant mes 9 ans car maman avait tenu tête au curé en lui disant que c'était à prendre ou à laisser : " communion à 10 ans ou rien !". J'ai aimé ces rencontres avec d'autres petites filles (on ne se mélangeait pas avec les garçons!) car je retrouvais dans les explications de la vie de Jésus, les enseignements que je recevais chez moi et notamment le respect des autres quelle que soit leur couleur de peau, l'assistance aux malheureux, etc. Papa et maman ont commencé les préparatifs des festivités en accumulant, petit à petit, du vin selon les opportunités afin de ne pas décevoir la famille qui y serait invitée. Et maman a découvert une paire de chaussures blanches, en cuir, d'une pointure plus grande que celle que j'avais à l'époque ! On avait gardé la robe de ma sœur. Il fallait juste la rafraichir ! J'allais au patronage le jeudi. C'était ludique et agréable. Pour la fête des mères, le dimanche 31 mai 1942, les enfants ont présenté des scénettes. Je ne sais plus sur quelle chanson, un truc comme "Va petit navire",  j'étais en marin et traversais l'estrade de long en large avec des pas d'avant et arrière pour simuler le roulis.

 

Pourquoi j'ai retenu cette date aussi précisément c'est simple : c'était la veille du 1er juin 1942 !

 

Le lundi J'ai dû m'attarder à l'école,  je ne sais plus pourquoi, et je rentrais chez moi sachant que je me ferai gronder.  Et, surprise, sur le chemin je rencontrais ma sœur qui rentrait de son école d'apprentissage de la rue Miolis. Elle n'étais pas fière non plus car elle avait emmené en classe notre souris mécanique et avait semé  la panique durant un cours en la faisant courir dans les tables. Toutes les deux savions donc que papa et maman allaient nous punir pour nos bêtises.

 

La tête basse, nous avons sonné à la porte et lorsqu'elle s'est ouverte, ce fut un inconnu qui nous attendait. Grand'mère est apparue immédiatement et nous a dit "Vos parents sont arrêtés". Et  l'appartement était occupé par deux policiers.

 

J'étais rassurée : je ne serai pas punie

 

Mais ma sœur avait compris que son adolescence s'arrêtait : elle devenait "chargée de famille" à 17 ans.

 



07/05/2017
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