Claudine et ses images

Claudine et ses images

1942-1943 en CM2

Du jour au lendemain, Andrée dut gérer la maison. Ma marraine (Manman Phine), la sœur ainée de maman, lui trouva un emploi non loin de chez elle. Et la jeune adolescente de 17 ans devint la fille à tout faire chez ce patron qui l'utilisait aux tâches pénibles qu'elle n'aurait jamais dû entreprendre étant donné son âge. Elle était payée toutes les semaines, le samedi ; et un lundi son patron l'attendit en vain. : elle avait trouvé une autre patronne ! Andrée n'avait pas pu passer son CAP prouvant ses capacités, c'est pourquoi elle était sous-payée. Mais  elle travaillait dans le métier qu'elle avait appris.  Petit à petit, elle prenait du poids et le médecin diagnostiqua une anémie graisseuse due à l'absence de nourriture variée.

 

Je sais que Louise, l'épouse de Georges, l'aidait comme elle le pouvait. Nous avions aussi la tante Caroline. De plus, je devais bénéficier de la cantine gratuite car la directrice de l'école soutenait, très discrètement, l'action de mes parents  et le jeudi, j'allais à la garderie scolaire.

 

En CM2 (7ème à l'époque) se trouvait une fille que je trouvais arrogante et qui ne frayait pas avec moi dont les parents étaient en prison. Pourtant un jour, elle arriva en larmes, une étoile jaune cousue à son vêtement. Je l'ai plainte sans lui dire évidemment et j'ai eu un sourire triste (ce qui m'est habituel quand je suis peinée) qui fut mal interprété peut-être ; je ne sais pas si cela est en rapport avec mon attitude mais on me mit dans une autre classe juste après. Et je n'ai jamais su ce qu'elle était devenue.

 

Nous avions des tickets de rationnement pour la nourriture mais aussi pour de la laine. Et ma maitresse me questionna sur l'utilisation de ces tickets ; elle avait deviné que ma sœur n'avait pas les moyens d'acheter de la laine ! Alors elle me proposa de me les racheter. Andrée accepta durant une période puis se rendit compte que nous étions lésées et j'annonçais donc à cette dame que nous ne lui en procurerions plus. Elle a été odieuse ! Fort heureusement  certaines réflexions ne m'atteignent pas et j'ai continué ma scolarité jusqu'au D E P P S D (diplôme d'études primaires préparatoires au second degré) avec cette maitresse, sans trouble particulier. Et, en fin d'année, j'ai eu cet examen.

 

Sans pouvoir en donner un ordre  précis dans le temps, j'ai plusieurs souvenirs qui sont restés en ma mémoire.

 

L'immeuble voisin était (et est toujours) "jumeau" au nôtre, c'est à dire qu'il avait eu le même architecte, donc conçu à l'identique mais inversé. Et les fenêtres de cuisine de l'un et l'autre sont face à face dans la cour  qui forme un U et le mur du fond est celui des chambres dont les fenêtres sont cote à cote, séparées par un bon mètre. Au troisième étage de l'autre immeuble était Mimi, dont le vrai prénom était Andrée, du même âge que moi, et nous étions un peu copines, nous nous parlions par la cour ou j'allais jouer parfois chez elle. J'aimais beaucoup sa maman. Son père était flic et il nous faisait rire en remuant ses oreilles : je ne connais personne d'autre qui le fasse ! Plus tard j'ai su qu'il n'était pas tendre avec son épouse et leur fils (qui fréquentait la fille de la marchande de journaux de la rue)

 

Un jour la maman de Mimi me proposa de venir avec elles au cinéma. Andrée n'avait pas d'argent pour cela ! Et elle a pleuré de ne pouvoir m'offrir ce plaisir. Je suis allée voir le film "Le Briseur de Chaines" parce que la maman de Mimi a réglé ma place.  Je me rappelle très bien du scénario : une jeune fille tombe amoureuse d'un saltimbanque qui veut l'épouser contre le gré de la famille mais ils ont le soutien de la grand mère qui ne veut pas qu'elle rate une belle histoire d'amour !

 

Je me rappelle de quelques noms d'élèves parce qu'elles s'affichaient de familles pétainistes : Il y avait Huguette Delapl.... qui portait une broche au nom de notre dirigeant national et  une autre dont le prénom m'échappe peut--être Simone ? Thierrie qui gagna le concours de dessin sur les héros nationaux et qui avait choisi Pétain évidemment ! Moi j'avais préféré Vercingétorix !

 

Il y a eu une sortie collective de toutes les écoles du quartier  au cinéma Convention ;  il a maintenant 8 salles mais jusqu'en 1960 il n'en comprenait qu'une, immense, mais toujours pleine le samedi soir et aux séances du dimanche. Donc nous nous retrouvons  dans cette salle et des jeunes, peut-être des scouts, nous ont fait l'apologie du maréchal et on  a dû chanter l'hymne à sa gloire "Maréchal , nous voilà". J'ai hésité puis fait comme tout le monde

 

En 1943, l'oncle Augustin fut hospitalisé  et ne revint plus. Un mois après son décès, je faisais ma communion. 

Il y avait, au préalable, une  sorte de séminaire de plusieurs jours, en préparation à cette cérémonie et l'école laïque ne pouvait pas s'opposer à ces absences pour cause de religion officielle sous le régime Pétain d'extrême droite      

 IMG_20170619_0001.jpgEt je portais aux pieds les fameuses chaussures que maman avait achetées pour la circonstance, un an auparavant. Mais elles étaient un peu justes ! Je les ai stoïquement supportées.

 

 

 

 



20/06/2017
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