Claudine et ses images

Claudine et ses images

La Libération de Fives

J'ai vécu chez mon parrain et son épouse, que j'appelais marraine, jusqu'en 1945.

 

Quelques anecdotes : il ne fallait pas de lumière afin d'éviter les repérages de villes par les aviations  anglaises ou étasuniennes, alors du papier jaunâtre huilé (ou enduit de matière épaisse) couvrait la porte qui donnait sur la cour. C'était moche !

 

Parfois, j'accompagnais ma marraine au "ravitaillement" : du marché noir évidemment. Je me rappelle être allée loin dans une ferme et nous étions revenue avec des légumes et peut-être un animal tué. Elle fumait beaucoup du tabac gris avec lequel elle faisait ses cigarettes à l'aide d'une boite spéciale. J'allais acheter le papier à cigarette au tabac d'à côté où était Palmyre, la belle épouse du buraliste. Ma marraine disait qu'elle attirait pas mal de clients et que son mari devait porter des cornes. Qu'en savait-elle ?

 

Je faisais les courses dans des commerces de proximité qui ne doivent plus exister puisqu'une  grande surface occupe l'emplacement d'une brasserie. Et j'étais polissonne ! Je me rappelle avoir été tentée par les grains de raisin qui dépassaient des lattes d'une caisse en bois. Il est évident qu'on m'a vue ! Et que l'épicière n'a pas apprécié du tout ! Le lait était distribué dans un grand hangar en face de chez nous - il fallait des tickets, je crois - et j'allais le chercher avec le fameux pot, obsolète maintenant. Il y avait aussi une droguerie où l'on achetait du shampooing en poudre et aussi une peinture pour dessiner un trait derrière la jambe pour faire croire que l'on portait des bas ! Cela me revient en vrac. Mais revenons à la fin de la guerre

 

Nous avions suivi comme beaucoup de Français, le débarquement en Normandie. Avec la BBC, radio reçue avec des grincements, nous l'avions su très vite. Et celui-là fut  bien noté dans la famille car, la nuit suivante, ma cousine mettait eu monde sa petite fille !

 

Et l'espoir est arrivé.

 

Mais, depuis plusieurs mois, grâce à des personnes qui avaient posté le courrier jeté par les fentes des portes des camions qui les transportaient, nous savions que maman et tante Raymonde étaient parties vers une destination inconnue. Bientôt, elles reviendraient !

 

La libération de Lille est intervenue comme celle de Paris le 24 ou 25 aout 1944. Et j'en ai quelques souvenirs.

 

La rue Pierre Legrand est très large et ce jour là il y eut des va et vient curieux : un véhicule chargé de soldats allemands était coincé entre deux groupes de résistants et ne pouvait plus leur échapper. Il y avait des spectateurs évidemment ! Alors les soldats ont tiré ! Je ne sais pas si, de rage, ils visaient vraiment les passants ou s'ils voulaient faire peur. Mais un garçon de mon âge a été blessé et des vitres ont été brisées.

 

Puis il y eut cette horrible scène. C'est plus tard que je me suis rendu compte que ce spectacle était inhumain. Une jeune femme avait aimé un soldat allemand  ! Et elle a été tondue ! Et tout autour, la foule l'insultait, riait et j'en faisait partie sans comprendre ! Son père était en bas de l'estrade où s'accomplissait cette odieuse  vengeance.  Il la prit dans ses bras pour la raccompagner chez eux. Elle pleurait. Ce n'était pas des gens riches. Ils n'avaient tiré aucun profit de cette situation ! Deux jeunes gens avait oublié que la guerre  les faisaient ennemis !

 

Plus tard en me rendant au collège je passais devant un pavillon vidé de ses occupantes qui avaient suivi la fuite des Allemands. Il y avait une inscription sur le mur : elles revendiquaient leur attachement au nazisme et menaçaient de représailles quand elles reviendraient. J'ignore  la suite.

 

Fives était encore plein de ruines

 

On allait reconstruire l'avenir

 

 

 

 

 



23/03/2022
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